Au début des années 70, les luttes féministes se radicalisent tandis que la législation, qui autorise la contraception orale depuis 1967, reste lourdement répressive vis-à-vis de l’avortement. Conscient de la nécessité de faire évoluer la société, Valéry Giscard d’Estaing crée, dès son accession à la présidence de la République en 1974, un secrétariat d’État à la condition féminine et confie à Simone Veil, sa ministre de la santé, le soin de mener à bien la difficile réforme du droit à l’avortement.
« J’espère que sur les dix ou douze pages que les manuels d’Histoire réserveront à mon septennat, une ou deux seront consacrées à mes efforts pour améliorer la condition féminine. » Ce propos, tenu par Valéry Giscard d’Estaing lors d’un déjeuner avec des déléguées à la condition féminine en octobre 1974, illustre l’importance que le troisième président de la Ve République attachait au renforcement des droits des femmes.
Auparavant, certaines avancées avaient été réalisées. Dès les années 1960, les femmes purent enfin exercer une profession sans l’autorisation de leur conjoint. En 1965, une loi du 13 juillet, portée par Valéry Giscard d’Estaing en tant que ministre des Finances, leur permit d’avoir un compte bancaire personnel. Mais le nouveau chef de l’État, élu en 1974 sur le fil du rasoir, était bien conscient de la nécessité d’évolutions. Lors de l’élection présidentielle de 1965, François Mitterrand avait fait des droits des femmes un thème important de sa campagne et les événements de mai 1968 témoignèrent brutalement des retards de la société française. « En 1958, soulignait Valéry Giscard d’Estaing, le Général de Gaulle avait mis en œuvre des réformes institutionnelles fondamentales mais dans l’ordre sociétal rien ne s’était passé. Il était donc urgent d’agir afin d’éviter de nouvelles secousses analogues à celle de mai 1968 ». Sensible à l’injustice dont tant de Françaises étaient victimes, le successeur de Georges Pompidou se montrait d’autant plus déterminé à passer à l’acte que, par tradition familiale et disposition personnelle, il se rattachait à un courant politique, l’orléanisme, ouvert aux réformes nécessaires. Ce projet s’inscrivait en outre dans la perspective de la société libérale avancée dont il souhaitait l’avènement. Le Président savait qu’en agissant ainsi il courait le risque de s’aliéner une partie de l’électorat conservateur. Mais il estimait que son devoir d’homme d’État lui interdisait de laisser la situation s’aggraver.
Le premier et le plus important chantier qu’il mit en œuvre au lendemain de son élection fut celui de la légalisation, sous certaines conditions, de l’interruption volontaire de grossesse. Avant d’arriver à l’Élysée, il avait été choqué de constater que, faute d’une évolution législative, des femmes qui ne pouvaient avorter en France dans des conditions acceptables se voyaient contraintes de se rendre à l’étranger ou de s’en remettre à des « tricoteuses », opérant clandestinement et sans respect des règles sanitaires. À cette injustice il fallait mettre un terme le plus vite possible. Très vite, il se rendit compte que le garde des sceaux, son ami Jean Lecanuet, de sensibilité démocrate-chrétienne, ne serait pas l’homme de la situation. Simone Veil, ministre de la Santé, fut donc désignée pour porter la réforme et elle la mena à bien avec le courage et la détermination que l’on connaît. La loi fut votée le 17 janvier 1975 et l’on oublia souvent par la suite que rien n’aurait été possible sans le soutien constant apporté par le chef de l’État à sa ministre.
En parallèle, d’autres textes contribuèrent à l’émancipation des femmes. Afin de les aider dans leur quête de grossesses choisies, la pilule contraceptive fut rendue gratuite avec un remboursement par la Sécurité Sociale. L’anonymat fut même garanti à ses utilisatrices en décembre 1974. Afin de renforcer l’indépendance des femmes, le divorce par consentement mutuel fut instauré en juillet 1975.
Gage de cette volonté de vaincre les résistances au changement, un Secrétariat d’État à la condition féminine fut créé dès la prise de fonctions de Valéry Giscard d’Estaing et confié à Françoise Giroud, une personnalité phare du courant féministe, fondatrice de l’Express et extérieure à la famille politique d’origine du Président. Dès mai 1976, elle présenta un plan intitulé « Cent mesures pour les femmes », destiné à lutter contre les inégalités hommes-femmes et à favoriser l’emploi féminin. De nombreux dispositifs furent alors mis en œuvre. Un statut pour les conjoints d’agriculteurs, de commerçants, d’artisans et de professions libérales fut bientôt institué. Les discriminations à l’embauche furent aussi sanctionnées tandis que le congé de maternité était allongé à partir du troisième enfant. Les veuves, les femmes divorcées et les mères célibataires furent enfin soutenues par des mesures spécifiques. Au total, un train de mesures sans précédent qui contribua grandement à l’émancipation des Françaises.
À lire :
Éric ROUSSEL, Valéry Giscard d’Estaing, Paris, L’Observatoire, 2018.